Les efforts mondiaux à la merci du changement climatique.
La quasi-totalité des objectifs de développement durable sont menacés, alertent plusieurs organisations internationales ce jeudi, à quelques jours d'un sommet très attendu sur l'ambition climatique organisé par le patron de l'ONU, Antonio Guterres.
Par Muryel Jacque | 14 September 2023
Les associations spécialistes du climat l'assurent : des « millions » de personnes devraient descendre dans les rues à travers le monde à partir de vendredi pour réclamer une sortie rapide des énergies fossiles. Avec en point d'orgue une marche, ce dimanche à New York, à quelques heures du sommet sur l'ambition climatique organisé par le Secrétaire général des Nations unies mercredi prochain, en marge de l'assemblée générale de l'ONU et de la « Climate Week », qui se déroule en parallèle.
A moins de trois mois de la COP28, prévue aux Emirats arabes unis, Antonio Guterres n'a pas l'intention, lui non plus, de relâcher la pression sur les gouvernements pour faire accélérer la lutte contre le réchauffement dont les effets sont de plus en plus visibles. Incendies, vagues de chaleur, pluies diluviennes, inondations… L'été 2023, le plus chaud jamais enregistré, est violemment marqué par les événements climatiques extrêmes.
« Nous savons que ce n'est qu'un début, mais la réponse mondiale est loin d'être à la hauteur », a martelé une fois de plus le patron de l'ONU, ce jeudi, à l'occasion d'un rapport inquiétant coordonné par l'Organisation météorologique mondiale (OMM).
Une transition plus imprévisible
Les experts avertissent que les émissions mondiales de gaz à effet de serre dues à la combustion des énergies fossiles ont encore augmenté de 0,3 % entre janvier et juin, d'après les estimations initiales (après une hausse de 1 % l'an dernier), loin de la baisse de 30 % à 40 % nécessaire d'ici à la fin de la décennie si le monde veut limiter le réchauffement bien en dessous de 2 °C, et plutôt à 1,5 °C. Et les conséquences vont bien au-delà du seul climat, alerte l'OMM.
Car « cette situation compromet les efforts déployés à l'échelle mondiale pour lutter contre la faim, la pauvreté et les problèmes de santé, améliorer l'accès à l'eau potable et à l'énergie », notamment. La « quasi-totalité » des objectifs de développement durable sont menacés par le changement climatique, selon le rapport. Sa conclusion est sans appel : seuls 15 % d'entre eux sont actuellement « sur la bonne voie ». En modifiant la capacité d'approvisionnement et la demande en énergie, le changement climatique rend ainsi la transition vers une énergie propre « plus imprévisible et potentiellement plus coûteuse », soulignent les auteurs.
L'énergie, l'un des nerfs de la guerre climatique, est au coeur des négociations internationales. Ce jeudi, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, a tenu à souligner que « la transition énergétique avan[çait] plus vite que beaucoup ne le pens[ai]ent ». Mais, a-t-il ajouté, « elle doit aller encore plus vite ».
Alors que plusieurs secteurs sont à la traîne dans leur transition vers des technologies propres, d'après une étude que l'AIE et l'Irena ont rendue publique ce jeudi, Fatih Birol appelle une fois de plus les pays à travailler ensemble, « seule façon de garantir une transition en douceur pour tout le monde », exhorte-t-il.
Appel à un moratoire mondial
Pour limiter le réchauffement autour de 1,5 °C, l'humanité doit atteindre le pic de ses émissions d'ici à deux ans maximum, a répété l'ONU la semaine dernière dans son tout premier bilan sur les efforts réalisés collectivement par les Etats pour atteindre cet objectif, le plus ambitieux fixé en 2015 dans l'Accord de Paris. Autant dire que le défi est colossal.
Ce jeudi, en rendant ses conclusions après deux ans de travaux, la Climate Overshoot Commission, un groupe indépendant de dirigeants internationaux et d'experts présidé par l'ex-directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, a jugé que le risque de dépasser (overshoot, en anglais) cet objectif emblématique de la lutte contre le réchauffement était « élevé et en augmentation », et que les impacts sur les êtres humains et la planète seraient « sévères et inéquitablement répartis », les régions les plus vulnérables et aux revenus les plus faibles étant les plus touchées.
La commission, qui a passé au crible les solutions et les stratégies de baisse des émissions de gaz à effet de serre, appelle d'abord les gouvernements à arrêter progressivement de produire et de consommer des énergies fossiles - l'une des questions qui sera probablement la plus débattue à la COP28. Mais stopper les émissions ne suffira pas, juge-t-elle, exhortant en parallèle à mettre les moyens pour s'adapter aux impacts climatiques. Elle estime aussi que l'élimination et le stockage du carbone devront être utilisés « à grande échelle ». Enfin, elle a tranché sur un sujet très controversé, la géo-ingénierie solaire (déviation des rayons du soleil), en appelant les gouvernements à instaurer un moratoire mondial tout en développant la recherche.
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